DALLAS |
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Documentaire réalisé par Jean-Michel Papazian |
Dallas Baugartner est un gitan de vingt cinq ans de la lignée des grandes familles manouches de l'Est et du Nord de la France ; les Bech, Hoffmann, Winterstein, Weiss, Mayer et Reinhardt. Dallas vit avec sa grand-mère Kali. Kali est la fille de la première femme de Django Reinhardt, Fleurine Mayer, Kali grandit au contact de ce musicien exceptionnel au milieu des jams, des violons et des guitares, dans un environnement musical d'une qualité et d'une fertilité qui ont marqué l'histoire de la musique de notre pays. Kali élève seule Dallas, elle est très pauvre, elle économise et offre à son petit-fils de sept ans un cadeau qui scellera à jamais son destin : une guitare. Le petit garçon se met à jouer, il joue tout le temps sans que personne ne lui montre le moindre accord. A l'âge de douze ans, un vieil homme de quatre vingt ans au regard sombre le remarque et se prend d'affection pour ce gamin qui ne décolle pas de sa petite guitare bon marché. Ce vieil homme, c'est Romela Adolphe, un grand violoniste manouche. Romela ne lui apprend pas à placer ses doigts sur un manche, il est violoniste, pas guitariste, ce gosse n'a aucune technique classique mais il possède l'essentiel ; le rythme, le souffle, le coeur, les tripes. Il a quelque chose de très rare, ce que les musiciens gitans appellent : la main. Le vieil homme qui a joué pendant plus de soixante cinq ans avec la crème du jazz manouche décide de finir sa carrière de musicien avec un gamin dont le jeu totalement autodidacte laisse aujourd'hui encore, perplexe n'importe quel professeur de guitare. J'ai eu la chance et le privilège de croiser Dallas il y a quelques mois, les notes, la musique, l'énergie, le tempo m'ont chaviré et je n'ai pu faire autrement que de commencer à tourner la vie et le destin de ce jeune manouche fauché qui ne sait ni lire ni écrire, qui cherche ses mots, mais qui s'exprime par la musique avec une grâce, une élégance et une puissance qui sont à mes yeux la marque de ceux qui sont nés pour être des musiciens à part. Dallas, n'est pas, loin de là, le meilleur guitariste manouche en activité, mais il possède ce petit quelque chose de totalement injuste que ni le temps ni le travail ne peuvent offrir ; les fées du swing et du tempo se sont penchées sur son berceau. |
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Les six séquences du DVD de Présentation |
1. Dallas a vingt cinq ans, il fête son anniversaire chez sa tante, dans un ex container frigorifique de neuf mètres carrés. On y fait la connaissance de kali, la grand-mère, de Tchokolo le guitariste rythmique et du camp manouche de Pierreffitte, oasis de nature originelle et de mauvaises herbes à seulement sept kilomètres de Paris. Les manouches ne loupent pas souvent une occasion de faire la fête, à ce propos, on célébrait le lendemain l'anniversaire du chien de Riton Mayer, mais cela est une autre histoire. 2. Dans cette séquence, qui pourrait s'intituler : "une bière pour salaire", Dallas et Tchokolo se produisent dans un bar vide tout en rêvant de grand orchestre et de cuivres. Ils jouent sans amplis, le son est très pur ce qui ne les empêche pas de se faire virer au bout de deux morceaux. Maudits soient les voisins du dessus. 3. Nous sommes à Lille sur le site d'une ancienne usine chimique. Un lieu sans eau, sans electricité. Nous sommes chez les parents et les frères de Dallas. Simba, son petit frère de neuf ans passe son rite initiatique de musicien ; il boeuf pour la première fois avec Dallas. A la fin du morceau, on lui propose une bière. Maintenant, il est l'un des leurs. Puis Dallas joue avec Loupi, son frère aux doigts agiles, ça va très vite, grosse prise de risque, ça souffle fort du côté de l'usine. 4. Il y a une douzaine d'années, je prends par hasard cinq photos de musiciens manouches. En les examinant de plus près, je m'aperçois qu'il s'agit de Dallas adolescent et de Romela Adolphe, son vieux maître. Je remets les photos à Dallas, visiblement très ému. Tchokolo, qui me fait de plus en plus penser au fils illégitime de Gainsbourg et de Gengis Kahn, seul client d'un bar désert, sirote tranquillement une bière tout en appréciant ce qu'il entend. 5. Retour chez Dallas, à Pierreffitte. Le printemps arrive, Rudy le crooner poète, le tonton acrobate, Riton Mayer et sa femme qui a quarante deux ans de moins que lui, les brochettes, le RMI et Charlie Parker en fond sonore. 6. Le même endroit, une semaine plus tard, Véro débarque pour participer à une jam en compagnie de Yoyo à la batterie, de Claude à la basse, et de Dallas et Tchikolo. Véro fait fumer son violon tellement fort qu'un manouche se tient la tête puis il lui dit des choses très gentilles, elle lui rappelle son père violoniste ; un certain Romela Adolphe. La jam se poursuit un peu plus loin, il reste encore de la bière fraîche, la musique est authentique, une bien belle soirée. |
Jean-Michel Papazian - contact : 06 09 22 90 49 |